Le Bonheur ? n’est-ce pas tout simplement la rencontre de l’autre ! (Huize, Yunnan 2018).

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Chers amis,

   C’est avec une infinie tristesse que je dois mettre fin à mon mandat de Délégué général pour la Thaïlande, de notre valeureuse Association.

   Et ce départ, par pure coïncidence, survient le jour où nous honorons nos morts, en ce lundi de la Toussaint.

   Avec émotion, nous pensons à toutes ces mains pieuses qui déposeront quelques fleurs sur les tombes de leurs chers disparus. Et c’est avec reconnaissance, que nous voyons refleurir les fleurs de coquelicot sur les revers des vestons de nos amis britanniques. Nos bleuets arriveront sur les nôtres un peu plus tard.

   Au moment de poser le pied dans la carlingue de l’avion en partance pour l’Europe, nous ne pourrons que penser à nos anciens, qui eux quittaient pour toujours cette terre d’Indochine qu’ils avaient tant aimée, et qui au moment d’embarquer sur ces énormes paquebots, tournaient une dernière fois la tête vers tous ceux qui y restaient.

Nous aussi, regarderons une dernière fois ces terres qui resteront pour combien des nôtres, souvent oubliés, celles du dernier sommeil.

Et au moment où des déclarations hâtives et pour le moins maladroites, veulent réduire la colonisation française à ‘un crime contre l’humanité’, nous souhaitons, nous, rappeler le souvenir de tous ces ‘Héros de notre France coloniale’, eux dont les images d’Epinal qui illustraient les livres d’autrefois ont fait rêver tant de générations de jeunes Français, fiers de leur passé.

   Nombreux seront ceux qui se sacrifieront pour cette ‘certaine image de la France’ celle de l’Honneur et de la défense de nos valeurs. Aussi avons-nous choisi, pour illustrer cette nostalgie qui inonde tout partant, cette dernière promenade datée de 1930, à travers le cimetière de Phnom Penh, rêverie d’un de nos grands anciens, Roland Meyer.

   90 ans plus tard, les sentiments qui nous étreignent doivent rester les mêmes.

François DORE.

Méditation sur un cimetière.

Phnom Penh, Cambodge. 1930.

Ici dorment nos morts, symboles de la colonisation. Un nom sur cent a survécu dans nos mémoires, un mort sur mille possède encore un parent parmi nous ; ce nom, ce souvenir, embrassent tous les autres. Ils entretiennent le culte, à la communauté des trépassés.

Nos morts, nos aînés, images de nous-mêmes, bons et mauvais, puissants et humbles, soldats, colons, fonctionnaires, privés comme nous du rayonnement de la terre natale, frustrés même de l’espoir du retour qui nous reste, exilés pour toujours !

Sachons ignorer leurs faiblesses comme nous avons su oublier leurs noms, ne retenons que leurs exemples et inspirons nous de leurs vertus. Comme nous, ils ont brisé les liens de la famille et de la patrie, pour venir sur cette terre neuve, poser les premières pierres, tracer les premières routes, creuser les premières tombes, goûter jusqu’à la fin l’orgueil d’être les premiers.

Nul avant eux n’avait préparé leur venue sur ce sol vierge où ils ne trouvèrent rien qui pût leur rappeler leur passé ; climat et population leur furent hostiles, usèrent leur énergie, hâtèrent leur fin superbe ou misérable, en pleine œuvre d’étude et de défrichement. Mais ces dangers et ces obstacles trempèrent leur volonté et firent d’eux des hommes que leurs successeurs n’ont pas égalés.

Ils se sont immolés, imprudents héroïques, en se riant d’ennemis invisibles, en ouvrant de nouveaux domaines à notre activité. C’est eux qui ont vaincu, la pioche ou le fusil à la main, la pestilence des marécages, pacifié leurs conquêtes, ouvert les ports, bâti les villes, exploré jungles et montagnes, poussé le rail et la route vers les districts de l’intérieur, conquis l’indigène, étudié sa langue, ses mœurs, son histoire, légué à la postérité, avec l’outillage forgé par leurs mains, le monument de science, élaboré par leur cerveau.

Ils ont fondé une colonie à l’image de la France, offert aux Asiatiques les premiers enseignements de notre culture, débrouillé à notre intention l’écheveau des connaissances locales indispensables. Puis, satisfaits de leur effort, ils ont demandé à cette terre qu’ils avaient prise, de les accueillir dans son sein pour l’éternité ; une fosse, à proximité d’un poste ou en pleine brousse, a reçu leur dépouille et aucun fils, aucune veuve, n’est jamais venu témoigner sur leur tombe qu’ils n’étaient pas totalement oubliés. La France n’a pas attendu leur décès pour les rayer du nombre de ses enfants ; dès leur départ, souvent définitif, elle a considéré comme perdus ceux qui allaient porter au loin son renom et son drapeau ; elle a revu sans gratitude ceux d’entre eux qui revenaient lui consacrer leur vieillesse ; d’autres enfin, n’ont même pas atteint le port et ont succombé en mer ou aux escales du retour. Heureux ceux qui ont réussi à se créer sur place une seconde patrie, des affections, une famille ; un peu de leur personnalité subsiste, adopté par la tradition indigène, et dans le milieu étranger où s’implanta leur exil volontaire, leur mémoire est encore naïvement vénérée.

Nous profitons de leur héritage et n’avons plus qu’à parfaire leur œuvre ; la tâche est désormais facile, la conquête est achevée, il nous reste à la justifier en essayant de nous faire aimer. L’union de deux peuples, comme celle de deux êtres, peut commencer par la violence, par un enlèvement, par un rapt ; l’intention du plus fort la légalise, elle s’achève par un geste d’amour, ses fruits sont exempts de tout germe de haine, les rancunes historiques s’évanouissent dans le fécond épanouissement du présent.

Ainsi parlait la brise, murmurant à travers les ingas du cimetière en cette triste fin du jour. L’humus épais, fraîchement remué autour des fosses, mêlait ses miasmes de pourriture au suave arôme des lilas ; dans l’éclaircie des branches, le fleuve Tonlé-Sap s’incurvait devant le quartier nord de la ville, entre les rives mélancoliques et la cloche d’une église voisine tintait un angélus pitoyable sur les cases d’un village cambodgien.
(p. 120-123).

Roland MEYER.
Komlah, visions d’Asie
Paris, Pierre Roger, 1930.

François DORE.
Le Souvenir Français de Thaïlande

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A NOUS LE SOUVENIR A EUX L’IMMORTALITÉ

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