GEORGE ANDRE-CUEL

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    1911

    Littérature

    Les écrivains de l’Indochine / No 112 :
    GEORGE ANDRE-CUEL
    (1889 - 1956)

    Disons-le tout de suite, il s’agit d’une histoire de Blancs ; mais qui se passe devant un fond de scène tonkinois. Et c’est dommage, car l’enjeu de ce beau roman, c’est la mine d’or de Tran-Pac, dans la Haute-Région.

    Nous ne connaissons rien de la vie de l’auteur, et c’est regret table, car la trace laissée par ses romans révèle un parcours aventureux : d’abord deux romans situés en Afrique du Nord ‘Barocco’(1924) en Tunisie et ‘El Guelmouna’ (1930) dans le sud algérien. Et puis en 1932, ‘Tamara la complaisante’, l’étonnante histoire de Grigory Fedoroff, qui pris dans une tempête de neige aux confins de la Sibérie, frappa à la porte d’une pauvre cabane et y rencontra, en même temps que Tamara, une destinée épouvantable…

    Il y a du Pierre Benoit dans ces romans, eux aussi ‘à tiroirs’ et où la chute réserve toujours une surprise au lecteur. Et puis aussi les personnages : des hommes courageux, mais naïfs et faibles qui ne font pas le poids face à des héroïnes fortes, dominatrices et sans scrupules.

    Les passions qu’elles déchaînent, font des hommes qui les approchent, de pauvres victimes. Il y a de l’Antinéa dans la belle Gritcha et la mystérieuse Gisèle, épouse du sinistre Barocco…

    C’est en 1926 que paraît ‘La jonque immobile’ chez Plon.

    Lucien Arnault est un jeune ingénieur venu tenter fortune en Indochine. Il est arrivé, accompagné de sa jeune épousée, Gervaise, pour y mettre en valeur des terrains hérités de sa fa- mille. Hélas, ces terrains situés près de Cholon, se révélèrent n’être que des marécages sans valeur.

    La chance sourit alors au jeune couple, quand ils rencontrèrent à Saïgon, un homme d’affaire, M. de Persevoux,

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    qui cherchait un ingénieur pour s’occuper de sa mine d’or, là-haut dans le Tonkin, près de la Rivière Noire. Lucien saisit cette chance et partit s’installer dans le nord avec sa jeune femme.

    Pour Gervaise, l’installation fut difficile. Seule Européenne, les journées étaient longues pour la petite bourgeoise de Poitiers  dans ce bout du monde qu’elle ne comprenait pas.

    Avec son mari, trois autres Européens travaillaient à la mine. Gervaise était une femme blanche, ravissante au surplus, et elle se sentit bientôt désirée par tous ces hommes seuls. Lucien, le mari, souffrait d’une jalousie maladive et ne supportait pas les reproches incessants dont Gervaise le poursuivait. Il se sentait incapable d’assurer le bonheur de sa femme et se désespérait de l’imaginer se livrant à la concupiscence de ses collègues de la mine…

    Jusqu’au jour, où, convoqué par un des hommes de main de M. de Persevoux dans un bouge de la ville voisine, il apprit que le patron de la société allait accoster au pied de la mine, à bord d’une superbe jonque. Tout devait être préparé du mieux possible pour son séjour, car il n’était pas seul ; il venait, accompagné d’une femme aux pouvoirs étranges et qui semblait connaître et dominer tous ces hommes…

    C’est dans la grande pièce du château arrière de la jonque, tendue de soieries pâles tachées de motifs pourpres, parmi les meubles d’ébène, les coussins flamboyants et les peaux de bêtes étalées que Gervaise va rencontrer la mystérieuse occupante des lieux.

    C’est dans ce somptueux décor que vont s’affronter les deux femmes :

    Gervaise, d’abord, va raconter sa petite vie, Poitiers où ‘elle promenait sa rancœur contre un destin qui la condamnait à supporter des lendemains toujours pareils aux jours qui venaient de finir’. Et puis le mariage, le mariage comme une porte ouverte sur l’inconnu, l’espoir d’une autre vie. Mais aussi ce mari qu’elle n’aime pas, qui a causé la ruine de ses rêves…

    Et puis c’est au tour de Celia, qui va raconter le calvaire de son enfance auprès de sa mère, chanteuse qui la promenait dans ‘le sillage pailleté de ses jupes par les casinos cosmopolites des villes d’Orient, Smyrne, Beyrouth, Port-Saïd, Marseille’. Et puis sa mère qui mourut une nuit, dans les bras d’un marin à Batoum, où leur destinée de marchandes de chansons et de voluptés les avait conduites.

    Et puis la suite, traînant sa jeunesse par les bouges, les cafés et les casinos…offrant ses chansons à ceux qui venaient les entendre et son corps à ceux qui le payaient…

    Et c’est alors que la divine Celia Orssy, celle qui depuis les bas-fonds de Salonique, voulait se venger des hommes qui avaient abusé de son corps et torturé son cœur ; celle qui voulait être riche à son tour, prendre les hommes qui lui plaisaient et à son tour commander, et à son tour les faire souffrir, alors… elle exposa son plan  diabolique à Gervaise…

    François Doré.
    Librairie du Siam et des Colonies
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